Ces jours-ci, je suis souvent amené à dire merci ; merci à la
vie qui me fait de beaux cadeaux, merci aux gens qui m’entourent et
m’apportent de la chaleur et de l’amour, merci aux milliers de
projets qui se dessinent... Je me sens extraordinairement chanceux,
après tant de tergiversations, d’en arriver enfin à faire ce que
j’aime – malgré les incertitudes liées à mon métier – et
dans un milieu qui me ressemble, où on m’accueille comme je suis. Je me sens comblé et bien entouré.
J’ai toujours aimé les remerciements, les écrire, les lancer dans
une salle, en adresser aux gens. Durant de nombreuses années, je
publiais, à chaque 31 décembre, la liste des gens que je souhaitais
remercier pour l’année traversée. Je le fais encore aujourd’hui,
de manière plus privée. À la fin d’un projet, c’est souvent la
partie que je préfère : souligner, avec quelques bons mots,
les gens qui ont eu une incidence sur ce projet, qui lui ont permis
de naître, est souvent une occasion de reconnaître tout le chemin
parcouru, et d’honorer ceux qui en ont fait partie.
Et si je crois qu’il est important de se remercier soi-même – ma
route aurait sans doute été différente si je n’avais pas accepté
de prendre certains risques –, dire merci a aussi pour moi une
autre vertu. C’est une façon pour moi d’enlever de mes épaules
le poids de mes réussites et échecs. En disant merci, je souligne
que je n’ai pas fait la route seul. Que je ne suis jamais seul,
même quand j’ai l’impression de l’être. J’ai des amis
extraordinaires, des gens qui pensent à moi et sont présents pour
moi. J’ai devant moi des opportunités que je n’aurais jamais cru
avoir, et elles me viennent de gens qui croient en ce que je fais.
C’est le plus beau des cadeaux.
Je dis merci parce que c’est la meilleure façon de résister à la
peur, à l’impression que tout ceci est « trop beau pour être
vrai ». J’ai déjà dit ailleurs que nous avons souvent peur du bonheur, de la joie, parce qu’accueillir ces émotions nous
rappelle la possibilité qu’elles se terminent. Mais ne pas les
vivre, n'est-ce pas se réfugier dans la déception,
la mornitude? Au contraire, quand je dis merci, j’honore la joie en moi, je la
nourris de ma reconnaissance. Je ne suis pas en train de prévoir le
pire, de planifier la fin ou l’échec. En ce sens, la gratitude est aussi essentielle pour
moi que pour ceux que je remercie.
Or, pour que cette gratitude serve, nous avons besoin de nous défaire du merci de politesse, ce merci
lancé à toute vitesse alors qu’on a autre chose à faire. Il faut prendre le temps de remercier, par les mots ou les gestes, en
étant présent à l’autre, en lui offrant de mon temps. Il y a
quelques jours, je constatais que toutes ces opportunités devant moi
sont nées du fait d’avoir donné de mon temps. C’est peut-être
une façon qu’a la vie de me remercier, finalement.
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