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à quoi ça sert.


Cela fera bientôt un an que j'ai pris la décision de venir m'installer aux Îles-de-la-Madeleine avec dans la tête un seul but, un seul objectif : écrire, devenir écrivain. Ou, disons-le autrement, m'affirmer en tant qu'écrivain et artiste. Ce n'est pas une mince tâche. J'ai toujours aimé écrire, j'ai toujours voulu écrire, mais me dire écrivain? Me dire artiste? C'est un mandat, une affirmation qui dérange, qui surprend, qui étonne. Qu'est-ce que c'est que ça, comme métier, artiste? En quoi ça consiste? Et surtout, SURTOUT, à quoi ça sert?

Je me suis moi-même longtemps débattu  je me débats encore  avec cette question. Répondre à d'où je viens, à où je vais, était déjà difficile, mais qu'est-ce que je fais est probablement la question la plus confrontante que j'aie entendue. Parce que faire et être sont deux choses radicalement différentes. Je ne fais pas de l'art, je suis artiste. C'est une manière de vivre, une manière de voir la vie. Pour moi, ça dépasse le nombre de livres publiés ou de toiles vendues. On peut être artiste sans vendre de l'art. Je n'arriverais pas à me définir autrement, à répondre autrement à cette question: Qu'est-ce que je fais ? 

Ce que je réalise, c'est que cette question, lorsqu'elle est liée à un travail, à une profession, elle m'indiffère un peu. Je n'ai pas envie de savoir ce que les gens font. Déformation professionnelle, c'est de ce qu'il sont dont j'ai envie de parler. C'est de ce qui les anime, ce qui les bouscule, ce qui les aide à vivre et ce qu'ils donnent aux autres, dont je veux parler. Pour moi, c'est beaucoup plus intéressant. Lorsque je réponds «je suis auteur», c'est aussi ça que je sous-entends : je vis comme un auteur, je mange comme un auteur, je paie mes factures comme un auteur. En étant auteur, pas seulement en faisant des livres. Ainsi, comme n'importe quel bon artiste, je détourne la question. Et ça réussit désormais à me faire sourire.

L'art, et c'est ce qu'il a de beau, résiste aux définitions, aux objectifs, à la rentabilité et à la consommation. L'art résiste à la catégorisation. Ce qu'il fait, l'art, c'est qu'il questionne. Il doute. Il hésite devant le monde, il se pose en point d'interrogation. C'est ça que je veux faire.

L'artiste sert, oui, mais dans une mesure complètement différente que celle du banquier ou de l'ébéniste. L'art est utile d'une autre façon. Pas seulement parce qu'il fait du bien, qu'il soulage, qu'il peut même parfois aider à vivre. Il sert parce qu'il questionne. Parce que son rôle est de résister. Parce que derrière l'art, derrière la poésie, se cache une idée absolument subversive : celle de liberté. Pas de celle qui porte des lettres majuscules et qu'on scande à chaque coup de vent médiatique. De liberté collective, commune, cette liberté que nous avons d'être, au fond, plus que la case dans laquelle on voudrait nous mettre.

Alors que je m'aprête à rencontrer des tas d'artistes dans le cadre du Chant des pistes, c'est cette question que je porte en moi, cette question que j'ai envie de poser. J'ai envie de savoir ce que d'autres en pensent, ce que d'autres ont trouvé comme réponse à ce qu'est-ce que tu fais qui est tonitruant dans nos vies. Pour moi, et pour ceux qui posent la question. Parce que j'ai le sentiment de me devoir, de leur devoir une vraie réponse.

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