Je suis toujours captivé lorsque j'entends des artistes, des acteurs, des écrivains, parler de leur processus créatif. Il y a souvent dans leur discours une sorte de dimension mystique et mystérieuse, comme si la création ne nous appartenait pas vraiment, comme si l'oeuvre se détachait, dès les premières lignes, de son créateur. Je me plais souvent à dire que les personnages nous guident dans l'écriture. Je m'étonne souvent de remarquer que ce sont eux qui tirent les ficelles. On donne le premier souffle, on accouche d'un personnage, et ensuite, c'est lui qui apprend à marcher dans ce monde qu'on lui dessine.
Par exemple, durant l'écriture d'une scène, récemment, j'ai tout à coup compris ce que le personnage essayait de cacher depuis le début de l'histoire. J'ai compris du même coup pourquoi il posait telles ou telles actions, et d'où lui venait son caractère. Ça s'est imposé. Une minute avant, j'errais encore, ne sachant trop où cette écriture pouvait me mener et soudain voilà, toutes les pièces du puzzle se sont mises en place.
Beaucoup d'artistes que j'ai rencontrés, et moi-même à l'occasion, empruntent à l'idée de muse, de génie créatif l'aspect fluctuant et incontrôlable du processus de création. S'engager dans la création n'est pas comme s'engager dans une comptabilité ou un travail de plomberie (même s'il doit bien exister, quelque part, des comptables inspirés et des plombiers poètes!) : le matériau que j'emploie n'est pas défini mais infini. Je jongle avec des idées, des mots, des personnages. Difficile à ce moment-là d'avoir un plan précis et détaillé de la suite des choses! Difficile surtout de s'en tenir strictement au plan!
Dans une de ses conférences, l'auteure Elizabeth Gilbert (Mange, prie, aime) parle de la pression que l'artiste se met souvent sur les épaules sans même s'en apercevoir. Pour elle, le fait que l'artiste soit aujourd'hui considéré (et se considère souvent lui-même) comme étant la source créative, plutôt que le réceptacle de cette source (l'inspiration), fait de nous des êtres tendus, stressés, angoissés à l'idée de ne pas produire l'oeuvre attendue. Se détacher du processus, se poser en observateur de ce dernier, permet de déposer aussi une partie de cette angoisse sur cette muse, cette souffleuse de génie tirée de l'Antiquité.
C'est en ce sens que je dis qu'il faut de la magie dans le processus créatif. Mon processus actuel, qui se fie volontiers aux hasards, à la nature et à l'inspiration du moment pour exister, me permet d'aller plus loin que je ne suis jamais allé. Je me plais à varier les outils de création et à utiliser l'astrologie, le Tarot, rituels et chandelles pour agir comme points de départs. La grande vertu de cela, c'est que mon écriture ne dépend plus entièrement de moi. Elle acquiert un caractère insaisissable, qui s'explique par la force de ces personnages issus de moi mais que je ne peux pas entièrement contrôler. Je cherche à comprendre ce que je suis en train d'écrire plutôt qu'à créer quelque chose de toutes pièces. Le récit est alors comme un enfant : on peut lui montrer à marcher, mais c'est lui qui décidera où il va, et s'il y va.
Et vous, comment se dessine votre processus créatif? Quels rituels pourriez-vous intégrer dans votre travail, au quotidien, pour ajouter un peu de magie dans la machine?
Pour voir la conférence d'Elizabeth Gilbert...
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