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retrouver l'amoureux en soi.


Je me suis longtemps identifié, dans mon écriture comme dans ma vie personnelle, aux professeurs de désespoir dont parle Nancy Huston, dans l'essai du même titre. Pour moi, l'écriture était le lieu pour poser des questions, mais surtout pour pointer ce qui n'allait pas dans le monde. La vie me semblait être une longue route chaotique menant finalement à la mort. Cette route me paraissait truffée d'absurdités, de jeux de pouvoir et de choses futiles. Il n'y avait pas d'espoir dans mon parcours, et mon écriture le reflétait bien. Cynique, chirurgicale, sanglante et cinglante, je cherchais à travers l'expression de la violence à montrer le danger du monde, à pointer le ridicule de notre confort individuel.




En fait, je crois qu'inconsciemment, je cherchais surtout à taire la partie blessée en moi, cette sensibilité, cette émotivité qui a toujours inquiété le monde autour de moi. On nous apprend très jeune qu'il faut être fort dans la vie, ne pas céder à ses émotions, se créer une carapace. J'ai déjà entendu que la première chose qu'un enfant apprend, c'est à mentir. Mais j'ai plutôt envie de dire que la première chose qu'il apprend, c'est à aimer. Ou plutôt, c'est quelque chose qu'il sait déjà, même dans le ventre de sa mère. J'en suis convaincu. Un enfant aime d'abord.

Récemment, j'ai eu l'occasion de prendre conscience de cette carapace, de cet autre Moi que j'avais tenté de dessiner. Pour cacher une sensibilité «embarrassante», je me suis réfugié dans un cynisme qui ne m'appartenait pas, que j'empruntais à différents auteurs dont j'admire encore le travail, mais dont je me suis progressivement détaché : Elfriede Jelinek, Thomas Bernhard, même Beckett (trois auteurs que Huston cite, d'ailleurs, dans Professeurs de désespoir). Lorsque je me surprenais à croire à l'être humain ou à l'amour (de manière générale, pas seulement sentimentale), je me traitais de naïf. Sans m'en rendre compte, je m'enfermais dans un carcan où je ne me laissais aucune chance de sortir.

Depuis l'automne dernier, j'ai appris beaucoup sur moi, sur ce que je cherchais à être et ce que j'ai envie d'être vraiment. J'ai compris que cette route-là n'est pas la mienne. Je n'ai pas envie de m'ajouter à la longue liste des professeurs de désespoir. Au contraire, j'ai envie de retrouver cet amoureux de la vie qu'il y a en moi, et de devenir un professeur d'espoir. Je me surprends ces temps-ci à vouloir donner, aimer davantage. Il y a plus à l'intérieur de moi que ce que j'ai cru. C'est ça qui me nourrit, ça qui me donne espoir.

Pour poursuivre la réflexion :
L'hypersensibilité, un trait de personnalité encore à étudier

Commentaires

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Très jeune, on nous enseigne que, pour survivre, nous avons besoin d'une carapace. Tout enfant qui a déjà vécu de l'intimidation s'est déjà fait dire qu'il devait s'endurcir, solidifier ses barrières et ne pas laisser les mots le blesser. Ce n'est pas un mauvais conseil, à la base : faire face aux épreuves avec courage est une nécessité dans notre vie. Mais il y a au moins deux choses qui choquent dans ce conseil : un, que l'on considère que l'enfant blessé est responsable de cette blessure; deux, que l'on associe le courage au fait de ne pas vivre ses émotions. Être courageux ne veut pas dire être insensible ; avoir du courage ne veut pas dire ne pas réagir. Il faudra un jour qu'on comprenne qu'ignorer ce qui nous fait le plus mal n'est pas une solution efficace. Et qu'enseigner cela n'aide personne. Je me suis forgé une armure à l'adolescence, armure qui m'a permis, je crois, de résister à mon propre eff

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